Le temps d’agir
Les études sur le climat se suivent et se ressemblent, sauf pour le fait qu’elles sont de plus en plus inquiétantes. Ainsi, la Banque mondiale a récemment publié un rapport réalisé pour elle par le Potsdam Institute for Climate Impact Research et Climate Analytics, qui souligne la gravité des problèmes que les changements climatiques amèneront.
Comme impacts probables d’une éventuelle hausse de la température mondiale de 2 degrés Celsius, on mentionne entre autres des pénuries alimentaires récurrentes en Afrique sub-saharienne, des régimes des précipitations changeants en Asie du Sud, laissant certaines régions sous l’eau et d’autres à court d’eau pour la production d’électricité, l’irrigation ou l’eau potable, la dégradation et disparition de récifs coralliens en Asie du Sud-Est provoquant des réductions des stocks de poissons et rendant les communautés et les villes des zones côtières plus vulnérables aux tempêtes toujours plus violentes…
Selon Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale, « Ce nouveau rapport décrit un scénario inquiétant pour les jours et les années à venir et qui risque d’être le nôtre. Les scientifiques nous disent que si la planète se réchauffe de 2 °C (un réchauffement qui pourrait être atteint en 20 à 30 années) des pénuries généralisées de produits alimentaires, des vagues de chaleur sans précédent et des cyclones plus intenses se produiront. »
Il y a pire. Les scientifiques appréhendent que le réchauffement ne s’arrêtera pas à 2° Celsius et pourrait atteindre 4° d’ici la fin du siècle. Sécheresses, inondations, tempêtes, vagues de chaleur, élévation du niveau des mers, pénuries alimentaires et d’eau potable, déplacements massifs des populations… la liste des conséquences des changements climatiques a de quoi inquiéter. Et, triste ironie, les problèmes toucheront plus durement les pays en développement, qui n’ont pas ou peu contribué au réchauffement.
Cette alerte, une de plus, vient nous rappeler l’urgence d’entreprendre une transformation majeure de nos économies, afin de réduire notre consommation d’énergies fossiles. Malheureusement, il sera difficile de changer. Le phénomène du réchauffement climatique est connu depuis plusieurs années, et pourtant très peu a été fait pour s’y attaquer ; au contraire, les émissions de GES vont croissantes.
L’actualité nous souligne l’ampleur du défi. À titre d’exemple, l’Allemagne cherche à faire reporter le vote, par les membres de l’Union européenne, sur un accord obligeant la réduction des émissions de CO2 des véhicules. Un premier accord, difficilement conclu en 2008, visait à réduire les émissions à 95g de CO2/km en 2020 ; le parlement européen veut poursuivre l’effort et fixer pour 2025 un nouvel objectif de réduction contraignant entre 68 et 78 g de CO2/km. Or l’industrie automobile allemande, qui produit beaucoup de grosses voitures de luxe, s’oppose à ces mesures. Ainsi, en mai dernier, le président de la fédération allemande de l’automobile a demandé à la chancelière Angela Merkel d’intervenir pour éviter que « notre puissant et performant segment haut de gamme, qui représente presque 60% des emplois au sein des constructeurs en Allemagne, soit littéralement détruit par des limitations arbitraires ».
Plus près de nous, on retrouve les mêmes enjeux avec l’exploitation des sables bitumineux. Dans tous les cas, il faut envisager lucidement la situation : la lutte aux changements climatiques exige des changements importants de nos modes de vies et de nos activités économiques. Cela ne fait pas l’affaire de certaines entreprises, qui sont d’ailleurs souvent derrière les négationnistes et qui soutiennent fortement le statu quo. Or la croissance économique ne peut plus être le but ultime ; d’ailleurs, comment continuer de croître dans un monde qui risque de devenir en partie invivable ? Notre priorité est désormais la préservation du seul milieu de vie que nous possédons.
Il faut agir aujourd’hui. Demain, il sera trop tard…