J’avais promis de bien distinguer le «mot du maire» de la chronique personnelle que j’ai accepté d’écrire pour chaque numéro de L’Événement. Je fais une exception pour ce mois-ci. Et vous aller voir pourquoi.
J’ai décidé à la toute dernière minute de me présenter à la mairie. Et comme j’étais le seul candidat, j’ai été élu sans opposition, mais aussi sans avoir besoin de faire une campagne électorale et de vous dire, à vous mes concitoyens, ce que j’avais l’intention de vous proposer.
Après huit mois de travail intensif, où beaucoup de temps a été consacré à «apprendre le métier», je sens le besoin de vous partager ce que j’aimerais bâtir avec vous au cours des quarante prochains mois.
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On va s’entendre tout de suite sur quelque chose d’essentiel. Pour la plupart des citoyens, l’important c’est la gestion quotidienne : l’eau, les égouts, les rues, les vidanges, l’électricité, la sécurité et… les taxes! Et on s’entend : si les choses ordinaires ne fonctionnent pas minimalement bien, personne n’acceptera de s’intéresser aux choses qui sortent de l’ordinaire!
Vous savez (presque) tous que pour la voirie, l’aqueduc, les travaux publics et la machinerie lourde, je ne suis pas la bonne personne! Martin et Gilles Valcourt, Iain MacAulay ou Marc-Olivier Désilets sont infiniment plus compétents et utiles que moi en ces matières; et j’apprends d’eux chaque jour! Tout comme j’apprends de Noëlle Hayes et de Sylvie Dubé, sur d’autres sujets.
Mais j’ai aussi des qualités, des expériences et des forces, bien différentes, que je peux et veux mettre au service de ma communauté : l’expérience de la réflexion politique, du travail d’animation et de conciliation des différences, des capacités de négociation et de rédaction et une vision de ce que pourrait être une façon différente de vivre et de régler les problèmes.
C’est pour cela que j’ai accepté de plonger dans la politique municipale : pas surtout pour la gestion du quotidien, mais davantage pour contribuer à la vision de ce que nous voulons (et pouvons) devenir ensemble. Même si parfois, les deux peuvent se rejoindre bien concrètement, comme dans le cas de la route 257 : la réfection complète de la 257 serait une amélioration considérable de la vie quotidienne des gens (la gestion des problèmes); mais c’est aussi un outil essentiel pour revitaliser l’Est du Haut-Saint-François, et la manière collective et égalitaire (entre les municipalités) de régler le problème fait partie de la vision d’avenir pour notre région.
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Les services aux citoyens prennent 1001 formes chaque semaine : répondre aux demandes de renseignements, tondre les gazons et réparer les fuites d’eau, préparer les permis et faire respecter les règlements, lancer des appels d’offres pour les contrats et surveiller l’exécution de ceux-ci, faire balayer ou déneiger les rues et les trottoirs, équiper, nettoyer et prêter les lieux communautaires, gérer les questions et les horaires du personnel, etc.
Avec les exigences gouvernementales qui ne cessent d’augmenter et le peu de personnel que nous permet le budget municipal, la charge de travail est considérable et nous devons constamment travailler à améliorer nos manières de «faire plus avec moins» : un vieux classique de la politique, où tout le monde veut plus de services tout en payant moins d’impôts!
Ça, c’est la gestion des affaires courantes : budget, achats, réparations, activités et services. Nous essayons –et nous continuerons d’essayer, jusqu’à la fin de notre mandat—de mieux rendre les services, plus efficacement et à meilleur coût. C’est un travail important… et sans fin!
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Mais ce qui m’intéresse encore davantage, c’est de travailler à développer l’à-venir de Scotstown-Hampden. Dans 5 ou 10 ans, la vitalité de nos municipalités ne dépendra pas surtout de la rapidité du déneigement ou des heures d’ouverture du bureau municipal. Ni même probablement de la qualité de nos rues ou de nos comptes de taxes. Mais beaucoup plus de notre démographie, de notre économie, de nos services essentiels (école, épicerie, commerces), de nos attraits et de notre notoriété.
Notre population est-elle en augmentation? Avons-nous un nombre suffisant de jeunes familles? Nos maisons se vendent-elles bien? Notre municipalité attire-t-elle de nouveaux résidents et pourquoi? Y a-t-il suffisamment de travail… et de main d’œuvre? La vie sociale, récréative et culturelle est-elle dynamique? Faisons-nous parler de nous à l’extérieur, et en bien? Avons-nous réussi à trouver un bon équilibre entre l’attrait des touristes et la qualité de vie des résidents permanents?
Une autre dimension incontournable de l’à-venir est, à mon avis, la mise en commun grandissante de nos ressources avec les partenaires qui nous entourent. La grosseur et le nombre des défis auxquels nous faisons tous face, avec des ressources économiques et humaines beaucoup trop limitées, vont nous obliger de plus en plus à travailler ensemble, avec les municipalités environnantes et avec les MRC. La Contrée du massif de Mégantic, le Parc régional du Marécage-des-Scots, le Sentier des Écossais ou le Comité de la route 257 en sont tous d’excellents exemples.
C’est pourquoi bien des réunions et discussions, documents de recherche ou consultations, qui peuvent sembler bien loin de nos problèmes immédiats ou quotidiens, vont devenir de plus en plus importants : travaux des fédérations de municipalités, des associations touristiques régionales, des régies ou regroupements intermunicipaux, etc.
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Et pour vous dire le fond de ma pensée, même si je ne suis que le maire de Scotstown, les problèmes ne s’arrêtent pas à la MRC, ni même au Québec ou au Canada! La question des changements climatiques nous concerne directement, ici à Scotstown et Hampden. Et même si nos gouvernants, fédéraux comme provinciaux, manquent trop souvent du courage nécessaire pour prendre les décisions qui s’imposent, ce n’est pas une raison pour nous de détourner le regard et de dire que nous ne pouvons rien faire.
Car nous pouvons (et, à mon avis, nous devons) faire quelque chose à notre mesure. Nous sommes tous un peu responsables, chacun à notre petite place, des problèmes collectifs de nos sociétés : inégalités et injustices entre hommes et femmes, entre riches et pauvres, surconsommation, endettement, dévalorisation de l’éducation, pollution et gaspillage, migrations internationales, guerres et conflits, changements climatiques, etc.
À quoi ça sert de développer un avenir pour Scotstown-Hampden si, dans 20 ou 30 ans, nos sociétés sont devenues invivables à cause des phénomènes météorologiques extrêmes, des crises économiques à répétition ou des migrations internationales massives? Nos sociétés occidentales «riches» se dirigent directement, à grande vitesse, dans un «mur». De plus en plus d’observateurs et d’analystes compétents s’entendent sur ce sombre constat, ne fût-ce que parce que la Terre est notre seule planète et que ses ressources les plus diverses sont limitées. Et que la population mondiale qui se partage ces ressources limitées ne cesse d’augmenter (elle s’est multipliée par sept en moins de deux siècles et devrait continuer d’augmenter jusqu’à 10 ou 12 milliards de terriens avant de se stabiliser). Et que chacun des habitants de la Terre, au lieu de «diminuer sa portion» à mesure que le nombre des convives augmente autour de la même et unique tarte, veut au contraire avoir une portion toujours plus grande!!! C’est ce que l’on appelle l’illusion de la «croissance illimitée» que tous nos gouvernements nous proposent pourtant.
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Vous devez me trouver bien éloigné de Scotstown et de sa mairie! Et pourtant non!
Oui, nous travaillons actuellement sur la réfection prochaine des rues Argyle et Osborne. Et à moyen terme, sur le projet intermunicipal beaucoup plus ambitieux de la réfection complète de la route 257 entre Weedon et La Patrie.
Tout comme nous travaillons, dans une optique d’avenir, à vendre des terrains de la rue Osborne pour y développer de nouvelles habitations, idéalement pour attirer de jeunes familles. Et nous développons le pôle du parc municipal Walter MacKenzie, en lien avec Le Petit Écossais, pour en faire un attrait central du Cœur villageois en préparation.
Mais ces investissements, en temps comme en argent et en énergies, dans la gestion immédiate des besoins de notre ville comme dans la mise en place de sa vision d’avenir, ne nous dispensent pas de faire notre modeste part dans la solution des problèmes plus vastes qui nous touchent aussi.
Scotstown-Hampden pourraient très bien travailler à devenir des municipalités réputées en matière d’environnement (gestion et récupération des matières résiduelles, diminution significative de sa consommation d’eau, réduction de sa consommation d’énergies fossiles par l’encouragement au covoiturage, au transport en commun ou au transport électrique, etc.).
Tout comme Scotstown-Hampden pourraient décider de participer, à leur modeste niveau, à des actions globales initiées par d’autres et qui peuvent avoir un impact significatif par leur dimension collective : se joindre aux municipalités, grandes et petites, qui ont fait de Raïf Badawi (blogueur emprisonné pour ses opinions en Arabie Saoudite et dont la famille est réfugiée à Sherbrooke depuis plusieurs années) un citoyen honoraire; se joindre aux municipalités québécoises qui défendent en cour la protection de leurs sources d’eau potable contre les permis d’exploration ou d’exploitation de l’industrie gazière et pétrolière, ou qui participent au mouvement international pour l’interdiction d’une catégorie de pesticides qui est responsable de la disparition grandissante des abeilles comme pollinisateurs; ou devenir, à l’image de nombreuses autres villes d’ici et d’ailleurs, grandes et petites, une «ville pour la paix» membre du Réseau international des maires pour la paix lancé en 1982 par le maire d’Hiroshima, première ville à subir les conséquences horribles d’une attaque nucléaire le 6 août 1945. Ce ne sont là que quatre exemples concrets, parmi bien d’autres.
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Si j’avais à résumer tout cela en quelques mots, je dirais que mon principal critère, pour évaluer mon mandat comme maire dans 4 ans, serait celui-ci : y a-t-il plus de citoyens de Scotstown-Hampden qu’en 2017 qui sont impliqués dans l’aventure collective de leur ville? Comme bénévoles, comme membres d’organisations, comme citoyens intéressés à assister aux réunions du conseil municipal, comme candidats potentiels aux élections de 2021, etc. Si plus de gens sont impliqués, c’est que nous aurons progressé comme ville et comme communauté. Et j’en serai très fier!
(Chronique «Ce que j’en pense…» publiée dans L’Événement de juin 2018)